Chloé Mossessian (1992) est une artiste plasticienne et réalisatrice française. Elle est diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris avec les Félicitations du Jury en 2016. Elle a également étudié le film expérimental à The Cooper Union à New York City, où elle a ensuite travaillé comme vidéaste pour L’Alliance New York (institut français). Elle vit et travaille entre Toulouse et les Pyrénées.
Sa pratique oscille entre film, photographie, installations vidéo et de papiers découpés. Travaillant de manière nomade, elle développe ses projets à partir de recherches sur la géohistoire des lieux dans lesquels elle habite, reliant l'intime aux paysages.
Son premier film, Alentour (2024) est un essai sur les empreintes du temps sur le paysage de son enfance. Elle co-réalise et co-produit également des films avec le compositeur Hank Mittnacht (Hank Midnight): Concert for the Sun (2019), The Hat (2020), et Underground River (2021), et a co-fondé la série de films courts In Search of Old Growth (en cours).
Chloé Mossessian (b. 1992) is a French Visual Artist and Filmmaker living and working between Toulouse and the Pyrenees (FR). She graduated from Beaux-Arts de Paris with Honors in 2016. She studied filmmaking at The Cooper Union in New York City, where she then worked at Alliance New York as a videographer.
Working across moving image, photography, installations and cut papers, she develops her projects based on the geohistory of the places she inhabits, creating links between the intimate and the landscapes.
Her first film, Alentour (2024), is an essay about the print of time in the landscapes of her youth. She also directs and produces films with composer Hank Mittnacht (Hank Midnight) : Concert for the Sun (2019), The Hat (2020), et Underground River (2021), and is the co-founder of the In Search of Old Growth short-film series (work-in-progress).
Sur le film In Search of Old Growth #3: Parler Forêt
« Eh bien, puisque tu ne peux être mon épouse, au moins tu seras mon arbre ; toujours, tu serviras d'ornement, ô laurier, à mes cheveux, à mes cithares, à mes carquois. » — Ovide, Métamorphoses
À la recherche de la forêt primaire sans ambiguïté, dit la quête de ce que l’on craint disparu, de ce que l’on sait menacé et le #3 de la série atteste qu’il est un projet décisif, suivi.
Parler forêt en amorce le genre, qui parle : est-ce le duo réalisatrice-compositeur qui parle ou lui qui fait parler ou sait entendre la forêt. Car elle chante, cette forêt ancienne de la vallée d’Ossau, par le bruissement de la rivière ou ses remous, la chute de cascades, son contraire et élément complémentaire, le feu en son crépitement au volume en variation et y chante la voix féminine aux paroles cachées comme absolument née de ces lieux qu’on la pense plus voix off que over, voix de qui pourrait apparaître dans le champ et non venue d’ailleurs. S’y entendent d’autres sons comme de cloches étouffées et lointaines, traces de l’appréhension des hommes. Et s’y écrivent en intertitres un dialogue par conteur interposé, des paroles en « je » convoquant le conte avec une connotation affective sinon amoureuse. Le lexique n’évite pas la reprise de ce sème voire du terme « me raconte le conte du conteur » ou « je m’endors avant la fin de l’histoire ».
Il dit en osmose avec l’iconique que la forêt n’est pas simplement un lieu particulier, un lieu géologique, géographique avec montagne et gave ; elle est vivante. Le moussu opulent et si vert des arbres, les hautes futaies ou les bois entrelacés, les troncs au sol en disent la longévité — « Old Growth » — et l’invitation subreptice de la carte ancienne et plus lisiblement du mythe de la nymphe Daphné au moment préféré de son iconographie lorsque ses mains se prolongent en feuilles et ramilles. En effet, fille d’un dieu fleuve et d’une naïade, elle fut transformée en laurier — écho du nom grec de cette plante sacrée pour les premiers Latins — afin d’échapper aux assiduités d’Apollon qui, désormais, en portait une couronne.
S’y glissent, de même, des termes porteurs de rites et légendes ainsi l’allusion aux visages éclairés par le feu du solstice et le feu de bénéficier de changement d’échelle des plans, ainsi le ciel nocturne avec petits points brillants et les multiples ombres sur rochers, ainsi le passage de cette silhouette dans la trouée d’une grotte avançant puis en quasi coda, à reculons sans possible autre désignation que l’humain. Puis le noir iconique et sonore avant le flou, la brume atteignant la cime des arbres, et la montagne clôt cette forte rencontre amoureuse des deux artistes et de l’Ossau.
— Simone Dompeyre, directrice artistique des Rencontres Internationales Traverse Vidéo (2024)
« Eh bien, puisque tu ne peux être mon épouse, au moins tu seras mon arbre ; toujours, tu serviras d'ornement, ô laurier, à mes cheveux, à mes cithares, à mes carquois. » — Ovide, Métamorphoses
À la recherche de la forêt primaire sans ambiguïté, dit la quête de ce que l’on craint disparu, de ce que l’on sait menacé et le #3 de la série atteste qu’il est un projet décisif, suivi.
Parler forêt en amorce le genre, qui parle : est-ce le duo réalisatrice-compositeur qui parle ou lui qui fait parler ou sait entendre la forêt. Car elle chante, cette forêt ancienne de la vallée d’Ossau, par le bruissement de la rivière ou ses remous, la chute de cascades, son contraire et élément complémentaire, le feu en son crépitement au volume en variation et y chante la voix féminine aux paroles cachées comme absolument née de ces lieux qu’on la pense plus voix off que over, voix de qui pourrait apparaître dans le champ et non venue d’ailleurs. S’y entendent d’autres sons comme de cloches étouffées et lointaines, traces de l’appréhension des hommes. Et s’y écrivent en intertitres un dialogue par conteur interposé, des paroles en « je » convoquant le conte avec une connotation affective sinon amoureuse. Le lexique n’évite pas la reprise de ce sème voire du terme « me raconte le conte du conteur » ou « je m’endors avant la fin de l’histoire ».
Il dit en osmose avec l’iconique que la forêt n’est pas simplement un lieu particulier, un lieu géologique, géographique avec montagne et gave ; elle est vivante. Le moussu opulent et si vert des arbres, les hautes futaies ou les bois entrelacés, les troncs au sol en disent la longévité — « Old Growth » — et l’invitation subreptice de la carte ancienne et plus lisiblement du mythe de la nymphe Daphné au moment préféré de son iconographie lorsque ses mains se prolongent en feuilles et ramilles. En effet, fille d’un dieu fleuve et d’une naïade, elle fut transformée en laurier — écho du nom grec de cette plante sacrée pour les premiers Latins — afin d’échapper aux assiduités d’Apollon qui, désormais, en portait une couronne.
S’y glissent, de même, des termes porteurs de rites et légendes ainsi l’allusion aux visages éclairés par le feu du solstice et le feu de bénéficier de changement d’échelle des plans, ainsi le ciel nocturne avec petits points brillants et les multiples ombres sur rochers, ainsi le passage de cette silhouette dans la trouée d’une grotte avançant puis en quasi coda, à reculons sans possible autre désignation que l’humain. Puis le noir iconique et sonore avant le flou, la brume atteignant la cime des arbres, et la montagne clôt cette forte rencontre amoureuse des deux artistes et de l’Ossau.
— Simone Dompeyre, directrice artistique des Rencontres Internationales Traverse Vidéo (2024)
Sur l'exposition L'horizon des événements en duo avec Juliette Guidoni (Galerie du Crous, 2022)
L'Horizon des événements est une exposition pensée par Juliette Guidoni et Chloé Mossessian. Les deux artistes pratiquent la photographie, la vidéo ou le collage et pendant dix jours, la Galerie du Crous se transforme en un long voyage. Suivant les transhumances dans le Mercantour ou traversant la Méditerranée, observant des êtres flottants ou habitant des soleils levants, nos yeux clignotent, s'arrêtent, parcourent.
L’exposition ambitionne d’offrir au regardeur un temps de suspension – littéralement, un « temps d’arrêt ». Le cinéma et la photographie nous invitent à une défamiliarisation de notre conscience du temps, ce n’est pas sans résonance avec le sentiment contemporain d’une certaine accélération, donnant lieu à une véritable crise du temps. Les oeuvres exposées ici sont des fenêtres sur le temps, et l’exposition toute entière se contemple, lentement. Les mouvements de caméras et ceux des deux photographes vont à rebours du temps et nous permettent d’avoir un pas de recul, de s'asseoir un instant, de prendre le temps de voir et de se demander d’où viennent ces images ?
L’expression « horizon des évènements » est employée pour la première fois au milieu des années 1950 par le physicien autrichien Wolfgang Rindler. Selon ses mots, celle-ci désigne « pour un observateur fondamental donné A, une surface dans l'espace-temps qui divise tous les événements en deux classes (…) : ceux qui ont été, sont ou seront observables par A, et ceux qui sont à jamais en dehors des possibilités d'observation de A. » Appliquée à l’image, cette idée d’une ligne de partage entre des événements perceptibles, d’une part, et imperceptibles, d’autre part, aide à formuler l’hypothèse que l’image nous demeure en partie inaccessible.
Cette image d’un horizon des événements est un horizon des événements elle-même ; zone frontalière où ce que l’on perçoit échappe à chaque fois en partie à notre saisie, sorte de visualisation de la fin de la visibilité. Une image qui nous invite à penser l’au-delà du visible - de notre visible - supposant par-là l’existence de mondes hétérogènes à notre perception, auxquels il convient de s’ouvrir au plus vite. En somme, ce qu’il faut entendre dans ce souhait d’appliquer l’idée d’« horizon des événements » à l’image, c’est une volonté que soit désormais considérée moins l’idée d’un événement dans l’image, que celle de l’image comme événement ; soit comme ce qui vient, ce qui se produit, renvoyant ainsi à ses puissances figuratives et à son « acte d’image ».
Ces événements deviennent habitables et l'exposition permet d'observer ces entre-deux et ces points de jonctions que sont les images présentées. Ici, et à travers cette vision révélatrice de nouveaux espaces, les images montrent le paysage, sa contemplation et notre place en son sein. Autant de thèmes évoqués dans les travaux des artistes et préoccupant la chercheuse Marianne de Cambiaire et la commissaire Alice Narcy.
— Marianne de Cambiaire et Alice Narcy (2022)
"En s'appropriant le paysage, les deux artistes, dans un jeu de dialogue, dans un mouvement de l'image fixe et de l'image en mouvement, nous interrogent sur notre perception à observer, à regarder. Là où il ne semble rien se passer, il y a tout à voir."
— Anne-Frédérique Fer, France Fine Art (2022)
"Le travail de Chloé Mossessian et sa vision du paysage s'approchent d'un sublime qu'on ne peut qu'observer bouche bée. Embarqué.e.s dans le ballet des nageurs, happé.e.s par l'apparition et disparition des lucioles, notre corps tout entier est suspendu dans l'image, en son intérieur. Le cadre ne contient qu'une seule chose et se concentre sur les mouvements et leurs rythmes naturels. La concentration nécessitée par le plan fixe fait de ces courtes vidéos des images étirées qui se regardent en boucles, nous laissant en apesanteur."
— Alice Narcy (2021)
Sur le film-installation Concert for the Sun
"Voyage entre les époques, le film rend présent le passage des heures. La lumière et la musique nous guident de jour comme de nuit. Un concert contemplatif plein d’éclats de soleil."
– Henri Guette (2020)
"Ode à la lumière, à ses éclats et à ses variations. Le présent et le passé se font écho comme des respirations parfois lentes ou saccadées, les plans se succèdent, accompagnés d’un rythme qui traduit la musicalité de cette danse du soleil, que l’on peut contempler dans la nature, l’architecture ou au quotidien."
– Mathilde Ayoub (2019)
"Voyage entre les époques, le film rend présent le passage des heures. La lumière et la musique nous guident de jour comme de nuit. Un concert contemplatif plein d’éclats de soleil."
– Henri Guette (2020)
"Ode à la lumière, à ses éclats et à ses variations. Le présent et le passé se font écho comme des respirations parfois lentes ou saccadées, les plans se succèdent, accompagnés d’un rythme qui traduit la musicalité de cette danse du soleil, que l’on peut contempler dans la nature, l’architecture ou au quotidien."
– Mathilde Ayoub (2019)
Sur l'exposition Felicità (Palais des Beaux-arts de Paris, 2017)
"Chloé Mossessian propose une remarquable série photographique et une vidéo. La focalisation sur le détail, le rien, l’instant comme suspendu, le voile gonflé par une légère brise, deux amis ou amants liés par un simple geste, l’ombre d’un parasol sur le mur… induit une situation poétique et singulièrement apaisante, entre réel et abstraction. Le « hors du tout »."
— L'instant artistique (2017)
"Chloé Mossessian propose une remarquable série photographique et une vidéo. La focalisation sur le détail, le rien, l’instant comme suspendu, le voile gonflé par une légère brise, deux amis ou amants liés par un simple geste, l’ombre d’un parasol sur le mur… induit une situation poétique et singulièrement apaisante, entre réel et abstraction. Le « hors du tout »."
— L'instant artistique (2017)
Or to take arms against a sea of troubles... Shakespeare, Hamlet.
"Bien s'armer contre une mer de soucis et de contraintes, regarder cette mer en face, la contempler, la visualiser, oser concevoir sa forme pour mieux espérer s'affranchir de son poids, tel est la tâche artistique qu'entreprend ici Chloé Mossessian avec une maturité d’exécution certaine. La pièce principale est dominée par une masse de rubans bleus accrochés sur toute la hauteur et la longueur de son plus grand mur. En s'en rapprochant, on se rend compte qu'il s'agit de bouts de papier adroitement découpés : des morceaux de cartes géographiques qui représentent, tous, une partie de l'océan Atlantique. C'est au- delà de ces eaux qu'habite l'être aimé, une distance tant réelle que symbolique que l'artiste matérialise afin de la démystifier. Dans une vidéo près de l'entrée, déjà, deux corps impalpables avaient essayé de s'atteindre, en vain – deux formes féeriques, quasi fantomatiques –, alors que sur la photo Les rapprochements soudains une chemise envolée semble pouvoir emporter la fille qui ne la porte plus, tel un deltaplane en coton. Sur la mezzanine de l'atelier Tosani, une vidéo-projection oblige le spectateur à plonger dans une avancée sisyphéenne vers l'horizon d'un paysage maritime continu. Sa particularité : la prise est verticale, l'« horizon » est vertical, créant l'effet visuel d'une barrière élevée. Dans l'ère des Grandes Murailles affectives, Chloé Mossessian rêve de les apercevoir, de les longer, de les survoler."
— Makis Malafékas